Luc raconte comment une femme à la belle chevelure montre sa joie à Jésus (Luc 7.36 à 50). Son étude figure dans mon livre sur Marie-Madeleine. La Magdalène a eu un rôle extrêmement important lors de la naissance du christianisme. Et, du coup, il lui a été attribué des faits qui ne la concernaient pas. C’est le cas de l’épisode de la vie de Jésus relaté par l’évangéliste Luc. Il ne parle pas de Marie-Madeleine ! Mais bien des gens, y compris un pape, ont déclaré que l’héroïne de ce récit était la Magdalène. Mais, vu son intérêt, j’ai étudié ce texte dans mon livre.
Une inconnue à la belle chevelure montre son bonheur à Jésus. Le Pape Grégoire le Grand l’a fait passer pour Marie-Madeleine. Cette femme en réalité est restée anonyme et n’est plus apparue dans la Bible. Donc facile de la faire passer pour la Magdalène. Ce pape était à la tête d’une Eglise en grande difficulté. Le christianisme avait été la religion de l’empire romain depuis l’empereur Constantin en 313. Mais les barbares ont détruit l’empire et, avec lui, une grande partie du christianisme.
Pour commencer : Un nouveau départ pour le christianisme
Grégoire le Grand sera Pape autour des années 600. Il voulait annoncer l’évangile aux nouveaux habitants de l’Europe occidentale. Il a prôné une spiritualité ouverte sur la culture de ces peuples nouveaux. Pour cela il décide (entre autre) de leur montrer à quel point le christianisme est la religion du pardon.
Il a réussi. Le christianisme s’est à nouveau développé à partir de son pontificat. Pour commencer, il a offert aux Lombards le peuple installé en Italie une spiritualité adaptée à leur culture. Le mouvement a ensuite continué et le christianisme s’est petit à petit répandu dans toute l’Europe occidentale.
Dans ce contexte notre pape a eu bien raison de faire de Marie Madeleine l’héroïne du récit de Luc. Ce récit montre à quel point le christianisme est une spiritualité pour toutes et tous. Notre pape en a eu une interprétation complètement fausse. Mais les Lombards n’étaient pas des intellectuels recherchant une lecture argumentée de l’Ecriture. Ils avaient besoin d’une spiritualité pour eux. Grégoire le Grand a eu raison et cela a marché.
Lire Luc 7.36 à 50
Un pharisien invite Jésus pour un grand repas. Rien d’étonnant, cela correspond à l’hospitalité orientale. Les pharisiens sont des sortes de messieurs je sais tout. Ils donnent des conseils, élaborent quantité de règles et estiment être les seuls à savoir ce que Dieu souhaite pour le monde. Ils disent sans arrêt : Faites comme moi … moi je … Heureusement, ce genre de personnes n’existent plus de nos jours.
1 Une inconnue à la belle chevelure
Arrive une dame dont l’évangéliste ne connaît pas le nom. L’inconnue pleure sur les pieds de Jésus, les essuie avec ses cheveux et verse du parfum dessus. Elle ne se doute pas de l’importance que prendront ses cheveux dans la saga des récits sur Marie-Madeleine. Dans la culture biblique, les cheveux féminins font partie des charmes séducteurs. Notre dame est fort démonstrative mais nous sommes en orient il y a deux mille ans. L’aspect étonnant de notre récit ne réside pas dans ce détail.
Notre femme a mauvaise réputation. Ce n’est sans doute pas une prostituée. Lorsque Luc parle de prostituées, il utilise le mot grec pornôn qui désigne les prostituées. Or ici, Luc emploi le mot amartôlos. Il peut se traduire par mauvaise réputation, mais aussi par avoir une fausse opinion, se tromper de route, rater sa cible, s’égarer. Il y a donc plusieurs possibilités. Bref la personne affligée par ce qualificatif peu élogieux se sent mal dans sa peau. Et rien n’indique que sa mise à l’écart vienne de son comportement sexuel. Il s’agit peut-être de tout autre chose. Les traductions qui en font une prostituée sont fausses.
Nous ignorons pourquoi la dame avait une mauvaise réputation dans la ville. Cela me fait tout à fait penser aux cas de harcèlements qui sévissent sur les réseaux sociaux. Quelqu’un se trouve ainsi la cible de gens malveillants et cela peut faire des ravages. La dame de notre récit était victime de la malveillance des pharisiens mais sans doute de beaucoup d’autres personnes encore.
Elle s’est pardonnée de ne pas être
comme il faut
Elle a une attitude bienveillante envers Jésus mais elle ne lui demande pas pardon. Elle montre simplement beaucoup d’amour sans rien attendre en retour. Et Jésus comprend qu’elle se sent bien dans sa peau, comme nous dirions de nos jours. Pourquoi est-elle si enthousiaste ? Parce qu’elle a été délivrée de ce qui la faisait souffrir. Elle a fait ce que nous appelons, de nos jours, un travail sur elle-même. Elle a réussi à se délivrer du fardeau qui lui pourrissait la vie.
2 Elle vit sa délivrance
Elle ne demande pas pardon à Jésus et Jésus ne lui dit pas : je te pardonne tes péchés, non il dit : Ses péchés sont pardonnés et c’est pour cela qu’elle a montré beaucoup d’amour. Il n’a pas dit : elle a montré beaucoup d’amour pour être délivrée de ce qui la tourmente. C’est le contraire : elle a été libérée et, de ce fait, elle se sent bien et elle montre de l’amour pour autrui. Elle s’est pardonnée de ne pas être comme il faut, du moins comme les pharisiens et sans doute beaucoup d’autres encore estimaient qu’il fallait être
Jésus a bien dit : a été libérée. La conjugaison du texte de l’évangéliste, en grec, désigne une action passée une fois pour toutes. Elle n’est pas répétée. Ainsi, lorsque notre femme rencontre Jésus, elle a déjà été libérée de ce qui lui pourrissait la vie. Nous ne savons rien de cette libération. Comment s’est-elle produite ? Mystère. L’évangile ne décrit que la conséquence de cette délivrance : son geste d’amour envers jésus.
La femme a été affranchie du fardeau pesant sur sa vie, son geste le monter à Jésus. Elle pleure peut-être de joie car elle se sent bien. Le mot grec utilisé ici, agapé, ne désigne pas seulement l’amour comme sentiment, mais aussi comme une attitude porteuse de paix et de fraternité. Il s’agit d’un mélange d’amour, de bienveillance et de sérénité psychologique. Le texte est clair : d’abord, la femme a été libérée, et, ensuite, elle vient montrer son amour à Jésus. Et, du coup, Jésus voit qu’elle a été délivrée.
Jésus ne se soucie pas de la renommée de la dame. Il passe outre les partis pris et accueille son geste en lui disant : ta foi t’a sauvée. Jésus ne lui demande pas de vivre d’une autre manière. Il dit simplement qu’elle a été sauvée. Il l’affirme car il a remarqué qu’elle jette désormais un autre regard sur elle-même. Sa vie s’est transformée, elle se sent bien dans sa peau. Jésus souhaite un changement certes, mais pas chez l’anonyme pécheresse. C’est à ceux qui la critiquent de transformer leur regard.
L’inconnue à la belle chevelure a poursuivi sa vie en paix. Les circonstances de son pardon nous sont inconnues mais la suite est claire : Jésus la confirme dans la paix acquise et l’invite à continuer sur cette voie. Par contre les pharisiens font semblant de croire que Jésus a pardonné les péchés de la dame. Lorsque nous jetons un regard noir sur une personne nous n’apprécions pas que d’autres la regarde positivement.
3 Quel était son drame ?
Pourquoi Luc ne dit pas les raisons pour lesquelles cette dame était rejetée dans sa cité ? Et surtout pourquoi Luc ne dit-il pas comment elle s’en est sortie ?
C’est à ceux qui la critiquent
de transformer leur regard
J’ai une interprétation personnelle. Alors elle vaut ce qu’elle vaut. Cette histoire s’est déroulée dans un contexte culturel bien précis. Or quand une personne est dénigrée pour ce qu’elle est c’est bien sûr en fonction de critères sociaux. Or au fil des siècles et en fonction des régions, ces critères changent. Je prends l’exemple de l’expression un homme gros. Dans la Bible cela signifie un homme important… rien de tel à notre époque ! Ce qui était un compliment il y 20 siècles ne l’est plus de nos jours.
L’évangile ne nous donne ni les raisons pour lesquelles cette femme se sentait si mal dans sa peau, ni de quelle manière elle a surmonté la souffrance due au regard des autres. La Bible ne parle pas du mal précis dont la femme souffrait. Jésus a dit elle a montré beaucoup d’amour parce que elle a été pardonnée. C’est une affirmation universelle. Elle n’est pas liée à une discrimination particulière, mais elle concerne toutes les discriminations, pas seulement celle dont cette dame a été victime.
Quand on se sent bien dans sa vie on a tendance à montrer amour et bienveillance envers les autres. Et quand on reçoit amour et bienveillance, on a tendance à se sentir bien.
Merci à Dieu d’avoir fait de l’amour pour autrui une maladie contagieuse.
Et encore …
Mon livre étudie une partie des discours sur la Magdalène. Je suis remonté jusqu’à la vraie celle qui a rencontré Jésus. Le mot Magdala désigne une tour en hébreu, et plusieurs théologiens ont utilisé ce symbole : la foi de la Magdalène était solide comme une tour. On ne sait pas grand-chose sur les disciples hommes ou femmes car les évangiles parlent surtout de Jésus !
Mais comme la Magdalène est la personne la plus citée dans les évangiles, j’en conclue qu’elle a laissé un souvenir impérissable. J’ai décortiqué ces souvenirs et j’en arrive à la conclusion qu’il s’agit de la Première chrétienne, avec un P majuscule : la première chrétienne importante.