Le livre de Jonas est un roman en quatre chapitre à forte valeur symbolique. L’histoire est connue : Dieu lui demande d’aller à Ninive la grande ville pour que, je cite, chacun renonce à ses mauvaises actions et à la violence qui colle à ses mains.
Jonas fait aussitôt sa valise mais pas pour aller à Ninive. Il prend un bateau et va dans la direction opposée. Mais une violente tempête met le navire en péril. Pour Jonas Dieu a envoyé cette tempête afin de le punir. Il l’avoue aux marins.
Les marins lui demandent : Qu’est-ce que nous allons faire de toi ? Et Jonas leur répond : Prenez-moi et jetez-moi à la mer. Ainsi, elle deviendra calme autour de vous. Oui, je le sais, cette violente tempête nous attaque à cause de moi. (chapitre 1 verset 12).
Pour commencer
Jonas, le courage : l’histoire des humains, l’histoire de chacun… et la science des psychologues regorgent de récits de ce genre. Déménager pour fuir sa vie quoi de plus tentant et de plus courant ? Mais changer de vie permet rarement de changer sa vie. Notre Jonas en fait l’expérience et le voilà rattrapé par son destin, comme certaines personnes sont sans cesses rattrapées par leurs démons intérieurs.
Et puis voilà l’acte de courage : Jonas assume, il demande aux autres de le jeter à l’eau. Résultat : les marins qui priaient divers dieux se convertissent (Chapitre 1, verset 16). Jonas n’est pas allé annoncer la Parole de Dieu aux ninivites mais, par son exemple, de nouvelles personnes adorent désormais le Seigneur. Ils doivent leur conversion à la fuite de Jonas qui ne voulait pas aller convertir les ninivites, et bien sûr aussi à l’acte de courage de Jonas.
Jonas, tu as voulu fuir ta vie, elle t’a rattrapé et, sans le vouloir, tu as annoncé, avec succès, la Parole de Dieu.
Ce premier chapitre peut donc s’intituler : Jonas le courage, du fait de son épilogue. Au début nous l’aurions plutôt intitulé : Jonas le fuyard !
1 Jonas le lucide.
Après avoir cherché à fuir sa vie, Jonas doit la réfléchir. Le voilà seul. Seul avec lui-même et seul avec son Dieu. C’est l’heure de vérité. Soit Jonas succombe et s’en est fini de sa vie, soit il survit et cette épreuve lui aura permis d’avoir un tête à tête avec Dieu.
Lorsque Dieu lui parle, au chapitre 1, Jonas ne répond rien. Il s’agite et fait sa valise. Il règle les formalités : il paie son voyage (Chapitre 1, verset 3). Bref, il s’occupe. Heureusement d’ailleurs, puisque cela va lui permettre d’évoluer. Mais il n’est pas encore prêt pour un tête à tête avec Dieu.
Lorsque la raison pousse au pessimisme,
la volonté doit rester optimiste
Dans la suite du récit, Jonas se retrouve dans le ventre d’un gros poisson. Là, il ne peut plus s’agiter, il est prisonnier, aucune issue. Il ne peut plus faire qu’une seule chose : réfléchir, se regarder et regarder vers Dieu.
Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort dit le proverbe.
Alors le Seigneur donne cet ordre au poisson : Rejette Jonas sur la terre ! Et aussitôt, le poisson obéit (chapitre 2, verset 11). Et, notre Jonas renaît à la vie.
Jonas, Jonas, tout ceci ne t’a pas tué, mais cela t’a-t-il rendu plus fort ? La suite du récit nous le dira.
2 Jonas, le succès
Extrait du chapitre 3. Une deuxième fois, le Seigneur dit à Jonas : va à Ninive, la grande ville. Jonas entre dans la ville. Il marche un jour entier. Il annonce aux gens dans 40 jours Ninive sera détruite. Le roi de Ninive ordonne alors : Chacun doit abandonner sa mauvaise conduite et arrêter les actions violentes qu’il fait.
Ses épreuves lui ont été profitables, le voilà plus fort. Il trouve en lui le courage pour aller annoncer la mauvaise nouvelle aux habitants de Ninive. Il faut trois jours pour faire le tour de cette ville mais, en une seule journée, Jonas retourne l’opinion. Le succès est prodigieux. Depuis le roi, jusqu’aux animaux, tous accueillent la prédication de notre prophète. Bien des leaders d’opinions rêveraient d’une telle réussite.
Dieu lui-même change d’avis. Dieu voit leurs efforts pour abandonner leur mauvaise conduite. Il change d’avis. Il regrette le mal qu’il volait leur faire, et il ne le fait pas (chapitre 3, verset 10).
Il décide d’épargner les Ninivites. Une telle évolution laisse rêveur. Les médias et notre psychologie nous incitent à une vision plus pessimiste de l’humanité. Les lieux de violence se transforment rarement en havre de paix. Lorsque la raison pousse au pessimisme, la volonté doit rester optimiste.
Jonas, Jonas, Jonas, tu as relevé le challenge avec brio, il est loin le temps où tu ne convertissais que quelques marins. Aujourd’hui tu as touché 120 000 personnes.
Comme le dit le cantique :
C’est par la foi que devant nous
S’effondrent les murailles
Que sont forcés tous les verrous,
Que cessent les batailles.
La foi permet de posséder
Déjà ce qu’on espère,
Ce qui reste à nos yeux cachés,
La foi déjà l’éclaire.
Jonas, Jonas, Jonas, nous te laissons maintenant savourer ton succès. Pourvu qu’il ne nous fasse pas une déprime !
3 Jonas le déprimé
Le chapitre 4 commence ainsi : Maintenant, Seigneur, laisse-moi mourir. Oui, je préfère la mort à la vie (verset 3). En effet Dieu a décidé de ne pas détruire la ville puisque les habitants ont renoncé (grâce à Jonas) à la violence qui gangrénait leurs relations. Alors Jonas se fâche car Dieu renonce à ses menaces.
Dieu est au moins aussi têtu
que le problème
Il connait le succès et il n’est pas content ! La déprime constitue souvent la suite d’une grande réussite. Les exemples sont légions. Le récit de Jonas pourrait s’intituler : Itinéraire d’un homme ordinaire tant ses schémas correspondent, de manière imagée, à des tranches de vie, sommes toute assez courantes.
Mais Dieu met à l’œuvre son imagination pédagogique. Il permet à Jonas de vivre une nouvelle expérience. Dieu a mis sans cesse Jonas en situation d’apprentissage et c’est de lui-même que notre héros a progressé. Dans tout le récit, Dieu n’intervient qu’une seule fois de manière frontale lorsqu’il donne l’ordre à Jonas d’aller à Ninive. Ensuite, Dieu met Jonas dans des situations qui lui permettent de comprendre par lui-même beaucoup de choses … sur sa propre personnalité.
En effet, Dieu fait pousser une plante qui permet à Jonas de se mettre à l’abri du soleil. Mais le lendemain la plante se dessèche et meurt. Alors Jonas se met en colère. Mais Dieu lui répond : Tu as pitié de cette plante qui ne t’a demandé aucun travail. Alors est-ce que je ne peux pas, moi, avoir pitié de cette grande ville de Ninive ? (Chapitre 4, versets 10 et 11)
Une fois de plus, Dieu utilise le langage indirect. Il met d’abord Jonas dans une situation (une plante pousse puis meurt) et c’est seulement après cette tranche de vécu, que Dieu interpelle directement notre Jonas.
Il a de la chance Jonas. Il est sans cesse contrarié mais ces obstacles à ses désirs lui permettent d’évoluer. Et ce, uniquement parce qu’un bon pédagogue évite de lui faire la morale. Il a suffisamment d’imagination pour mettre Jonas dans des situations lui permettant de réfléchir à sa vie.
Jonas, Jonas, Jonas, Jonas, Dieu en fait des efforts pour que tu réussisses à aimer les Hommes et à apprécier ta vie !
Mais encore
Les psy vont trouer l’itinéraire de Jonas bien banal. Ceux qui sont confrontés à une très grave difficulté dans leur vie empruntent parfois ce parcours. D’abord on s’agite, on fuit, mais dans la fuite, on prend, sans le savoir, le problème dans nos bagages, puis nous voilà rattrapés par notre vie, et finalement la difficulté s’impose toujours à nous. C’est alors qu’il faut descendre au plus profond, comme si nous étions au plus profond des eaux. Et là, seul avec nous même nous pouvons enfin nous ouvrir.
Voilà pour la dimension psychologique. Qu’en est-il de la dimension spirituelle ?
Et bien c’est presque pareil. Car celui qui fuit un problème, emmène ce problème avec lui, je l’ai dit, mais Dieu accompagne aussi le fuyard. Dieu est au moins aussi têtu que le problème. Et Dieu fini toujours par se rappeler à nous, d’une manière ou d’une autre.
Mais c’est bien sûr dans les profondeurs de la solitude que nous pouvons entamer un réel dialogue avec Dieu. Notre foi réformée accorde une immense place à la communauté, mais c’est le face à face avec Dieu qui permet souvent d’évoluer. Dieu est partout où nous sommes, pas seulement dans une communauté. Mais il nous faut parfois faire une pause dans nos projets pour s’ouvrir à sa présence et comprendre le sens de notre vie. Arrive ensuite le moment de repartir et d’affronter la difficulté. Jonas, l’a fait et avec succès.
Jonas aime … être contrarié. En effet, il réagit négativement à tout ce qui le surprend. Il aurait été possible d’imaginer un autre Jonas. Conscient de ses capacités, il serait parti tout joyeux convertir les habitants de Ninive. Puis fier de son succès, il paraderait dans la ville en fête. Mais ce Jonas n’existe pas.
Pourtant Dieu avait fait le bon choix, comme le montre le chapitre 3. Jonas avait les capacités pour remplir sa mission. Peut-être doutait-il de lui-même ? Peut-être avait-il tout simplement envie d’avoir une vie différente ? Rien n’est dit sur les motivations de notre homme.
Peut-importe d’ailleurs. Jonas jette constamment un regard négatif sur sa vie. C’est un éternel insatisfait et cela l’empêche de vivre heureux. Jonas n’a pas écrit le scénario de sa vie. Il l’a subi. Mais qui décide des péripéties de sa propre vie ? C’est notre sort d’humains d’être ballottés par les événements. A nous de les utiliser pour améliorer notre perception des choses. A nous aussi d’en dégager les aspects enrichissants. Bien des situations, d’abord perçues comme contrariantes, deviennent en fait des sources de bonheur.