Le chapitre 36 du livre de Jérémie nous plonge dans un récit historique où l'écrit devient un enjeu spirituel et politique. Il met en scène le prophète et son fidèle secrétaire, Baruc, chargé de consigner et transmettre un message divin. Ce passage illustre la force de la Parole de Dieu, la nécessité de la collaboration et les résistances qu'affronte toujours la vérité.
Pour commencer
Jérémie demande à son secrétaire d’écrire un message inspiré par Dieu et d’aller le lire au temple devant tout le monde. En effet, le prophète ne peut pas aller au temple. Le texte biblique n’est pas très clair sur les motifs de cet empêchement. Dans le chapitre 20 du livre, le chef de la police du temple n’adhère pas aux paroles du prophète et le fait attacher à un poteau. Donc on est sans doute dans ce contexte où Jérémie a plutôt intérêt à éviter le temple.
Jérémie 36
Mais heureusement, Jérémie n’est pas seul. En particulier il collabore avec un secrétaire.
1. Baruc, médiateur entre la parole et l’écrit
Le secrétaire Baruc ne se contente pas d’être un simple scribe. Il devient un acteur aidant à diffuser le message de Dieu. La parole de Dieu est véhiculée grâce à une équipe. En fait, les autorités cherchent à réduire l’influence du prophète et s’il avait été un homme seul, la Parole de Dieu n’aurait pas pu être annoncée. Le processus de transmission engage l’intelligence, la mémoire et la conscience de plusieurs personnes, solidaires dans leur mission.
Bien sûr, pour communiquer sur son travail, il faut montrer la photo de personnes réalisant des choses cela parle davantage à nos esprits qu'une personne assise à son bureau. C’est comme cela, plus il y a à voir plus nous sommes attirés. Pourtant le travail de bureau est de plus en plus important dans tous les domaines et il était déjà très utile il y a 25 siècle pour transmettre la Parole de Dieu.
Nous avons tendance à être éblouis par le rayonnement des leaders. Ces grands personnages du passé ou du présent accaparent notre attention et cela cache le travail de soutient de bien des gens. Pour rendre leurs actions et leurs idées pérennes les influenceurs/influenceuses doivent savoir s’entourer d’une équipe.
la Bible raconte comment la liberté humaine collabore avec l’inspiration divine
Dans notre monde marqué par des tensions idéologiques et religieuses, la foi de Baruc peut nous inspirer. Modeste scribe, il a su être un passeur de sens et de vérité. Son exemple appelle à s’engager activement dans la transmission et la reformulation du message spirituel. Même à partir de notre modeste place.
2. La transmission au risque du rejet
Ensuite, deuxième chose, transmettre c’est aussi risquer le rejet. Finalement, Baruc lit publiquement les paroles de Jérémie dans le temple. Il prend le risque, il s’investit à fond dans l’annonce de la Parole de Dieu. Dieu a choisi de rayonner dans notre monde au travers des actes et des réflexions humaines. Et sa Parole devient audible grâce à la collaboration entre ses serviteurs.
Evidemment, s’exprimer ainsi en public cela suscite des réactions. Et notre Baruc est remarqué par les chefs. Je ne sais pas s’il a pris son courage à deux mains pour leur lire son texte. Peut-être était-il flatté par leur intérêt ? En tout cas, il y va, bravo à lui pour son engagement. Reste qu’en apparence cela n’a pas servi à grand-chose puisque le roi brûle le rouleau au fur et à mesure de sa lecture.
Rien de plus classique : un souverain est dérangé par une information négative alors il la rejette. Être puissant, ce n’est pas être clairvoyant. Et puis Jérémie annonce la fin du royaume et même de la dynastie. Selon le prophète aucun de des enfants du roi ne dirigera le pays à l’avenir. Face à une telle nouvelle il serait préférable de réfléchir mais la rejeter est souvent un réflexe plus fort que sois. Seulement il se trouve que, par la suite, la prophétie de Jérémie s’est réalisée.
Les prophètes possèdent une foi inébranlable et une clairvoyance exceptionnelle sur les évolutions humaines. La parole prophétique, hier comme aujourd’hui, ne laisse pas indifférent elle suscite toujours des interrogations et des tensions. Parfois les prophètes sont porteurs de bonnes nouvelles, parfois de mauvaises, mais ils suscitent toujours le débat. En tout cas l’histoire aurait pu s’arrêter là. Le rouleau a été brûlé par l’homme le plus puissant de Jérusalem. L’affaire semble donc réglée.
Mais voilà, la Bible raconte comment la liberté humaine collabore avec l’inspiration divine. Et ce que les circonstances et les événements soient favorables ou non. Car l’adversité fait partie de la vie humaine, donc aussi, de la diffusion de la Parole de Dieu.
3. La parole de Dieu fait de la résilience
Malgré la destruction du rouleau, Dieu demande à Jérémie et Baruc de réécrire les paroles perdues. Cet acte symbolise la persistance du message divin au-delà des tentatives humaines de le faire taire. La vérité spirituelle ne réside pas dans un texte à connaître … ou, éventuellement à oublier. La parole de Dieu se diffuse grâce à la volonté de ses messagers. Dieu dit à ses serviteurs : recommencez. Et oui, lorsque nous entreprenons quelque chose nous pouvons être contrarié. C’est dans la logique du fonctionnement humain. Mais perdre une fois, ce n’est pas perdre toujours. Les succès fulgurants ne sont pas les plus solides.
Dieu nous accepte avec nos réussites et avec nos échecs
Bien sûr, Jérémie et Baruc ont de quoi être fâchés, déçus, voir même déprimés. D’autant plus qu’ils avaient raison. Mais cela arrive parfois. Ils n’ont pas été maladroits, incohérents, menteurs. Ils ne sont pas responsables de leur échec. De nos jours nous aurions tendance à dire il faut virer cette équipe avant qu’il ne soit trop tard. Non, l’échec fait partie de notre vie, comme le succès. Dieu nous accepte avec nos réussites et avec nos échecs. Et il nous confie l’annonce de sa parole malgré notre incapacité à dominer toujours les situations.
Alors oui, Jérémie dicte à nouveau le texte à Baruc. La parole de Dieu se retrouve à nouveau écrite sur un rouleau. Mais je ne dois pas dire à nouveau. Non, car le verset 32 dit : Il ajouta même d’autres paroles encore plus nombreuses. Oui, il n’a pas écrit à nouveau, il a écrit du nouveau. La Parole de Dieu est vivante. Elle évolue toujours en dialogue avec son temps. La foi ne consiste pas à répéter les croyances du passé.
Baruc, ne recopie pas les paroles du premier manuscrit, il les réécrits. En fait nos deux amis font de la résilience et ils assument leur responsabilité. Ils ne se laissent pas abattre par l’opposition. Ils continuent de porter un message qui transcende les circonstances immédiates. La force de la Parole de Dieu vient de la capacité des humains à la réaffirmer continuellement en la réinterprétant.
Mais encore
Cet épisode n’est pas seulement un témoignage historique et prophétique, mais aussi une illustration de la dynamique entre la révélation, l’écrit et la responsabilité humaine dans la diffusion du message divin.
Baruc incarne la médiation humaine dans la réception des Écritures : il écoute, retranscrit et proclame un message inspiré par Dieu mais passant par sa propre compréhension et son engagement personnel. Ce processus le rappelle : la Bible est elle-même une construction historique, où la foi se conjugue avec l’histoire et la culture.
Pour notre époque, cet épisode met en lumière la question du rapport à la vérité et au progrès spirituel. Baruc et Jérémie nous invitent à une foi qui questionne, qui interpelle le pouvoir et qui s’engage dans la cité. Le rejet du message ne doit pas être perçu comme un échec, mais comme une confirmation de la nécessité d’une parole libre et prophétique.
Eh oui, le chapitre 36 de Jérémie, nous encourage à une approche critique et dynamique des Écritures. La parole de Dieu ne se réduit pas à un texte ancien, c’est une source de réflexion et de transformation pour aujourd’hui. Baruc nous enseigne que la transmission du message divin est toujours une œuvre humaine, marquée par le courage, l’engagement et la liberté de conscience. Et tout cela sous le regard bienveillant de Dieu.