Pentecôte : Eloge de la diversité

Pentecôte : Eloge de la diversité

J’ai intitulé le message de Pentecôte : Eloge de la diversité. Pentecôte peut sonner comme le contraire de l’histoire de la tour de Babel. Dans cette histoire de Babel, les humains développent un grand projet mais Dieu crée la diversité des langues et du coup, les gens ne se comprennent plus et rentrent chacun, chacune dans leur pays.

À Pentecôte, c’est le contraire, les personnes présentes viennent de différents pays, parlent chacun, chacune, leur langue et elles comprennent toutes ce qui se passe :  la diversité humaine n’empêche pas la compréhension. Pentecôte marque la naissance de l’Eglise et indique sa mission : œuvrer à la compréhension entre les humains, si différents les uns des autres.

 Pentecôte célèbre la fondation du christianisme. La mort de Jésus a plongé ses amis dans une dépression bien compréhensible. La renaissance du Christ à Pâques les a davantage perturbés qu’autre chose. Ils ont eu une phase de déprim. Ils commencent à en sortir le jour de l’Ascension. Là au verset 11 du premier chapitre des Actes deux hommes en blanc leur disent : Vous restez là à regarder le ciel. Pourquoi donc ?

Pour commencer

Une des principales caractéristiques du christianisme naissant, c’est qu’il s’est développé dès le début, dans différents milieux, parlant différentes langues et présent dans différentes régions du monde de l’époque. C’est cela la symbolique du récit de Pentecôte.

Actes 2.1 à 13

Dans le premier chapitre de la Bible, Genèse 1, Dieu crée la diversité. Il commence par séparer le jour de la nuit, il crée toutes sortes de plantes, d’animaux etc. C’est un récit symbolique bien sûr. Il part du minéral (la terre, la mer) pour aller vers le vivant (animaux et plantes) puis, pour finir avec l’humain.

l) La diversité, c’est la solidité

Le monde minéral, pierre, métaux, etc. c’est la solidité. Mordez dans une brique de lego, ce sont vos dents qui vont se casser, pas la brique. Par contre, plus vous construisez un bâtiment en lego, plus il devient fragile. Dans le monde minéral, la complexité rime avec fragilité.

Dans le monde du vivant c’est le contraire. Nous le savons : la solidité de la vie vient de la diversité. Plus il y a d’espèces différentes dans un milieu, plus la vie y est solide. Mais, le monde vivant, c’est également le domaine de la prédation. Sa solidité, son équilibre viennent de la prédation. La gazelle, c’est de l’herbe digérée et le lion, c’est de la gazelle digérée.

La diversité construit aussi la solidité de l’espèce humaine. Mais, à l’inverse de la nature, la prédation fragilise l’humanité. Sa force vient de la solidarité. C’est la grande différence entre l’espèce humaine et le fonctionnement général du vivant : la prédation est le moteur du développement dans la nature, la solidarité celui du développement humain.

Donc Dieu a bien conçu le monde : le minéral, avec sa solidité et sa faiblesse, il a fait de même pour la vie, avec sa solidité et sa faiblesse. Ensuite, comme pour tout ce qui est vivant, la diversité fonde la solidité de l’humanité, il suffit de remplacer la prédation par la solidarité. C’est pas compliqué.

Sauf que, notre diversité peut facilement devenir une source d’incompréhension. Et voilà la nécessaire solidarité mise à mal. La compréhension réciproque semble une vue de l’esprit, un rêve impossible à concrétiser. Le récit de Pentecôte où tout le monde se comprend est un récit symbolique. Il nous indique un idéal.

Le récit de Babel dénonce le totalitarisme

Ce n’est pas un reportage pour décrire un événement du passé. Il n’y aura pas de vidéo sur les réseaux sociaux. C’est un plaidoyer pour valoriser la complexité de l’humanité. Certes, la compréhension entre les humains est difficile, mais elle est possible.

2) Dans la Bible, la vie va vers la complexité

La vie se développe du simple vers le complexe. Au départ, il n’y avait que quelques cellules et puis, tout cela s’est développé pendant des dizaines de millions d’années. La vie sur terre ne s’est jamais simplifiée, elle s’est toujours diversifiée de plus en plus.

La Bible l'exprime en son tout début. L’évolution va du plus simple, différencier le jour de la nuit, jusqu’au plus compliqué : les humains. Et ces derniers sont faits pour vivre leurs différences. C’est ce que raconte le récit de la tour de Babel. Il ne doit pas y avoir, pour l’humanité un projet unique, une seule direction, une seule langue.

La tour de Babel symbolise la dictature. C’est une société totalitaire. Les humains sont faits pour vivre dans un espace qui leur convient. Ils doivent développer leur langue, leur style de vie, leur créativité. Et cela ne doit pas les empêcher de s’entendre.

Le récit de Pentecôte, ce n’est pas le contraire du récit de Babel, son effacement au profit d’une humanité nouvelle. Non, c’est la suite logique de ce récit. Oui, c’est bien d’être différents les uns des autres, mais cela ne doit pas nous empêcher de collaborer les uns avec les autres.

Le récit de Babel dénonce le totalitarisme d’une société à la pensée unique, avec un projet unique, qui se veut absolu ! Il ne fustige pas la diversité des langues. Pentecôte c’est une nouvelle étape. L’uniformisation de l’humanité est inutile. Une fois la diversité établie, il n’y a pas lieu de vouloir retourner vers une standardisation des idées et des comportements, il faut simplement surmonter les difficultés de compréhension.

J’ai vu passer sur les réseaux sociaux une image d’un enfant palestinien et d’un enfant israélien se tenant par les épaules. Ce genre de message fait le tour du monde et je suppose qu’il va même jusqu’à l’ONU. Pourtant, le succès ne semble pas au rendez-vous. Dans le texte de Pentecôte, c’est le contraire, les apôtres sont tout feu tout flamme dans leur enthousiasme pour annoncer les grandes choses que Dieu fait. Et le récit se termine au verset 41 : Ce jour-là, à peu près 3000 personnes s’ajoutent au groupe des croyants.

3) Se comprendre malgré les différences

Le récit de Pentecôte raconte un miracle, mais il parle réellement de ce qui s’est passé ces jours-là (et les suivants) au proche orient. La vidéo des réseaux sociaux dont je viens de vous parler souhaite un miracle mais les faits sont têtus et la compréhension entre les humains ne tombe pas du ciel. Mais il nous faut dépasser cette interprétation simpliste.

Nous sommes enfants de Dieu, il regarde ce qu’il y a de meilleur en nous

Le récit de Pentecôte trouve sa légitimité dans la réalité. Le christianisme s’est de suite développé dans des milieux très différents, dans des pays très différents. La compréhension entre les humains est un fait. La solidarité a toujours existé, elle s’est toujours manifestée et elle est à l’origine de tous ce qui est beau et bon dans notre monde.

Le christianisme s’est sans cesse enrichi des apports étrangers, parfois même étranges, des uns et des autres. La compréhension n’est pas une vue de l’Esprit, c’est une réalité. Les humains sont profondément habités par le désir de communiquer les uns avec les autres. Et même si l’on parle des langues différentes (ou des langages différents) notre présence les uns aux autres peut nous enrichir. C’est la première chose qui explique le succès du christianisme.

L’autre raison du succès, c’est bien entendu le message en lui-même. Evangile, cela veut dire bonne nouvelle, c’est une information (une nouvelle c’est une info) qui fait du bien ! C’est le sens profond du message chrétien. Il éveille en nous tout ce qu’il y a de positif, de bienveillant, de généreux.

Nous sommes enfants de Dieu et il regarde ce qu’il y a de meilleur en nous. Même si parfois nous nous sentons nul, pour Dieu nous sommes toujours à son image ! Il nous respecte tel que nous sommes avec nos forces et nos faiblesses. Et ce jour-là, l’énergie du Saint-Esprit, a donné aux apôtres la force de dire à la foule chamarrée : Dieu vous adopte tel que vous êtes.

Dieu a placé dans chaque être humain le désir d’être accueillant et ouvert aux autres. Simplement ce désir peut avoir été caché, enfouit au plus profond de nous-mêmes et nous avons du mal à le laisser surgir. Cela dépend souvent de notre environnement, de notre histoire personnelle, des rencontres que nous avons vécues pour notre bonheur et aussi parfois pour notre malheur. Malheureusement les discours négatifs nous influencent parfois nous faisant douter de nos semblables.

Mais ce n’est souvent qu’une question de discours. Certains français ont commémoré le 8 mai la victoire de 1945 contre l’ennemi. D’autres, le même jour, ont fêté le souvenir de la paix retrouvée. Nous avons déjà deux perceptions différentes du même événement. Mais en réalité, ce n’est pas un pays qui a attaqué la France en 1940, ce sont uniquement les dirigeants de ce pays. Plus : lorsque la dictature allemande est arrivée, ses partisans français en ont profité pour prendre le pouvoir.

En réalité il s’agissait d’une guerre de la dictature contre la démocratie. Avec l’aide des démocrates américains, la démocratie s’est finalement imposée en Europe occidentale et le 8 mai 45 marque une victoire de la démocratie contre la dictature. Cette victoire a été possible car au fond d’eux même les humains sont habités par le désir d’une société pacifique, juste et tolérante. C’est en valorisant cette victoire là que nous annonçons Pentecôte : la compréhension réciproque avec des langages différents.

Le désir d’une société unique, avec un seul langage, ou toutes et tous vont dans le même sens existe depuis la nuit des temps : c’est le projet de la tour de Babel. Mais cela ne marche pas car les humains sont tous différents les uns des autres, les unes des autres. Par contre, malgré cette incroyable diversité, les humains peuvent se comprendre, pas pour construire des projets fous, mais pour partager la joie d’être enfants de Dieu.

Mais encore

Bien sûr, parfois les autres nous énervent avant de nous enrichir ! Nous ne sommes pas dans le monde de Dieu où tout fonctionne à merveille. Nous sommes dans notre monde toujours un peu bancal, même bien souvent totalement irrationnel ou, encore pire, traversé par des drames de toutes sortes.

Mais cela ne remet pas en cause la nécessaire diversité. Simplement cela nous oblige à faire des efforts. A voir dans l’autre une image de Dieu, comme nous, nous sommes une image de Dieu. Il y a toujours une étincelle de divinité dans l’autre, même si nous ne la voyons pas, et il y a toujours une étincelle de divinité en nous, même si nous hésitons à la valoriser.