Une spiritualité de la joie de vivre
Herbert Bieser de Pixabay

Une spiritualité de la joie de vivre

Le christianisme prône une spiritualité de la joie de vivre, comme en témoigne la parabole du "père formidable" (Luc 15). Cette joie découle de la certitude d’être aimé par Dieu et d’une invitation à dépasser le négatif, même en période d’épreuves. Elle se nourrit de moments partagés, valorisant le bonheur et diffusant bienveillance et solidarité autour de nous.

 Pour commencer

Le mot Evangile vient du grec et il signifie Bonne nouvelle. Donc l’évangile ne peut que susciter la joie. Le christianisme c’est le rassemblement de personnes habitées par la joie de vivre.

Et c’est annoncé dès le début de la Bible. L’Ecriture commence par le poème de la création. Il dit : Dieu créa l’homme et la femme et c’est une très bonne chose. Si, au regard de Dieu nous sommes une très bonne chose, cela crée évidement un sentiment de joie.

L’évangéliste Luc parle souvent de deux comportements différents car il écrit son livre au moment où le christianisme se sépare du judaïsme. Donc Luc met en valeur les différences. Même quand Jésus est crucifié : il y a deux bandits, l’un insulte Jésus et l’autre lui dit : Souviens-toi de moi lorsque tu reviendras comme roi.

Dans la parabole racontée au chapitre 15 de l’évangile de Luc, versets 11 à 32. Il y a un père et ses deux fils. Je vous invite à lire en vous demandant : Qui est le personnage principal ?

Luc 15.11 à 32

Le second fils est jaloux et ce sentiment suscite en lui une réaction négative. Face à un événement, nous avons souvent une attitude négative ou positive. Le Père a eu une réaction positive et le second fils, lui, n’exprime pas du tout la joie de vivre. Pour moi le héros de cette parabole, c’est le Père. C’est pourquoi, j’intitule ce récit : La parabole du père formidable.

1 Comment cultiver la joie ? Réponse dans cette parabole

Un fils quitte le domicile pour aller vivre sa vie comme nous dirions de nos jours. Mais la vie ne lui sourit pas. Il n’arrive pas à la gérer correctement. Et, comble de malheur, une famine survient là où il réside. De nous jours nous parlerions sans doute d’une crise économique.

Les crises touchent d’abord les plus fragiles. Notre homme s’était mis dans une position de précarité. Comme personne ne peut tout prévoir, le voilà dans la misère. Il n’est pas seulement dans une détresse financière mais aussi psychologique. Il doit garder des cochons : pour les juifs c’est un travail très dévalorisant.

Il retourne chez son père. Le père fou de joie organise une belle fête. Il est heureux et transmet sa joie à son entourage. J’appelle ce récit la parabole du père formidable car l’homme voit l’aspect positif de la vie et il transmet ainsi la joie de vivre. Bref, il vit ce que l’on ressent lorsque nous apprenons une bonne nouvelle. Il annonce ainsi l’évangile non pas par un discour, mais par ses actes.

Le second fils cherche à gâcher la fête. Nous savons depuis Caïn et Abel combien la jalousie est un sentiment malfaisant. La trame du récit est claire : le père formidable répand la joie et le fils jaloux cherche à la gâcher. Donc deux manières opposées de réagir à un même événement.

La tradition donne à ce récit le titre de parabole du fils prodigue. Le fils parti a en effet dilapidé son argent, c’est le sens du mot prodigue. Il désigne une personne multipliant les dépenses irrationnelles. Le titre a pour rôle d’exprimer le message essentiel d’un texte. Or, le héros de l’histoire : c’est le père. En valorisant le comportement négatif d’un des deux fils nous passons à côté du sens de ce texte, car il valorise la joie de vivre.

La tradition aurait pu aussi l'intituler le prodigue et le jaloux, tant qu’à faire ! Or avec ces titres nous sommes exactement à l’inverse du message de ce texte car il valorise les réactions positives. En parlant de la parabole du fils prodigue nous tournons le dos au message de l’Evangile. Cette parabole nous invite à laisser notre joie s’exprimer, dès qu’un événement positif nous arrive. Cette parabole, au-delà de l’histoire d’un père formidable, fonde une spiritualité centrée sur la joie de vivre.

Notre vocation, c’est d’être heureux

Bien sûr, choisir toujours l’interprétation la plus positive, c’est plus facile à dire qu’à faire. D’une manière générale nous voyons facilement le négatif, pour le positif il faut un peu se faire violence. Et cela nous amène à la deuxième question.

2 Comment garder la joie dans les épreuves ?

Cette joie se retrouve chez les prophètes. C’est paradoxal : j’entends souvent l’expression prophètes de malheur. Pourtant Amos un des prophètes les plus dur, termine son message en disant : Ils planteront des vignes et ils boiront du vin, ils cultiveront des jardins et ils mangeront leurs produits. Un des prophètes les plus noirs de la Bible conclue sont message en disant :  ils boiront et mangerons les produits de leurs plantations. (Amos 9)

Nous sommes souvent attaqués dans notre vie par ce que j’appelle des toxines existentielles. Ce n’est pas nous qui écrivons le scénario de notre propre vie. Si nous décidions du déroulement de notre vie, nous éviterions bien des choses. Rien que le fait d’avoir des dents qui poussent cela fait mal aux nourrissons ! Nous ne pouvons pas changer cet aspect fondamental de l'existence.

Une partie de la population juive a été déplacée au 6e siècle avant notre ère à Babylone, la grande puissance de l’époque. Ils n’y pouvaient rien, l’empire Babylonien était plus fort que la petite Judée. Eh bien Jérémie leur envoie un message positif. Mariez-vous, ayez des fils et des filles et qu’ils aient des fils et des filles à leur tour. (Jérémie 29)

Autrement dit : même dans une situation difficile, prenez le plaisir que vous pouvez prendre. Oui, nous les humains nous sommes toujours attaqués par des toxines existentielles, mais malgré tout nous pouvons trouver des moments de joie, afin de ne pas nous laisser enfermer dans les aspects négatifs de notre existence.

Je sais qu’il faut beaucoup de force de caractère pour regarder ainsi le positif même dans les situations difficiles. Nous sommes en effet programmés (si je puis dire) pour être sensible au côté négatif des choses. C’est normal, il faut se souvenir des douleurs pour faire attention et tenter de les éviter. Si la peur de la souffrance n’existait pas, il n’y aurait plus d’antilopes et les lions seraient obèses !

C’est notre instinct de survie qui nous pousse à voir les aspects négatifs de l’existence. Mais les êtres humains ne sont pas seulement destinés à survivre, ils sont destinés à vivre. C’est bien plus que de la survie. Nous avons besoin de dépasser nos instincts de bases. Les animaux vivent selon la vocation de leur espèce. Ils peuvent se sentir bien ou mal. Mais nous, humains, nous avons une autre vocation.

Notre vocation ce n’est pas seulement de se sentir bien ou mal, notre vocation c’est d’être heureux et de diffuser le bonheur autour de nous. Et pour cela nous avons besoin d’un plus. Pas seulement d’avoir assez à manger, mais aussi, parfois, de faire des festins avec les personnes que nous aimons. Et comme notre bonheur est constamment agressé par des toxines existentielles il nous faut faire bien des efforts pour voir le plus possible, les aspects positifs de l’existence.

3 La joie d'être une personne formidable

Ces efforts sont nourris par une certitude : pour Dieu, nous sommes des personnes formidables. Notre destinée ultime, c'est de vivre dans le monde formidable que nous méritons. Au début de la Bible, Adam et Êve rencontrent l'arbre de tous les malheurs. Ils en mangent le fruit et les ennuis commencent. Il s'agit bien sûr d'un récit symbolique. Un récit symbolique avec un arbre inaugure la Bible.

Il n’y aura plus de malédictions


Un autre récit symbolique avec un arbre la conclue. Dans le dernier chapitre de la Bible nous lisons : Là, il y a l’arbre de vie. Il donne des fruits 12 fois dans l’année et ses feuilles servent à guérir les peuples. Il n’y aura plus de malédictions (Apocalypse 22). Cet arbre, dont la Bible parle dans son dernier chapitre, c’est l'arbre de tous les bonheurs.

Entre l’arbre de tous les bonheurs et celui de tous les malheurs, il y a environ 1100 chapitres. Ils racontent comment Dieu et les humains vivent ensemble des bonheurs et des malheurs. Nous naissons dans un monde habité par tous les ennuis et nous n’y pouvons rien. C’est notre destin. Mais notre destinée ultime c’est d’aller vers le monde de tous les bonheurs… et nous pouvons déjà vivre une partie de ces bonheurs … dans notre monde. A nous de les repérer et de les valoriser.

Mais encore

 La joie de vivre est une maladie contagieuse. Être habité par la joie nous permet de la diffuser autour de nous. C’est important parce que les personnes heureuses s’investissent efficacement pour le bonheur des autres. Le bonheur est un puissant moteur de solidarité et de bienveillance. Aimons-nous nous même comme Dieu nous aime et nous aimerons également les autres.