Penser comme les autres ?
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Penser comme les autres ?

Pour les rameaux

La fête des Rameaux marque l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, un épisode relaté dans les quatre évangiles. Cela a donc été un événement très important. Nous sommes un semaine avant la fête de Pâque. Nous le savons, une foule accueille Jésus avec enthousiasme mais, moins d’une semaine plus tard, il est condamné. Une autre foule, en effet, criera : crucifie-le. Cette tension entre succès et malheur est au cœur du message des Rameaux. Cet épisiode pousse aussi à réfléchir sur nos idées : quelles opinions suivons-nous ?

Pour commencer

Cette fête est bien davantage qu’un rappel historique. Jésus choisit d’entrer humblement dans la capitale, juché sur un ânon. Il n’est donc pas dans une démarche de leader. De nos jours il serait certes un influenceur suivi, comme il l’était à l’époque, mais sans utiliser les postures traditionnelles de son temps. Il bouscule les représentations de l’autorité.

Il y a quatre récits de la fête, un dans chaque évangile. Voici celui de Marc.

Marc 11.1 à 11

Les autres récits se trouvent dans Matthieu 21.1 à 11, Luc 19.29 à 39, Jean 12.12 à 19.

Explorons trois dimensions de l’événement des rameaux. D’abord je reviendrai sur la dimension historique. Mais pas comme un simple rappel car c’était en fait un acte prophétique. Ensuite, la ferveur populaire admire Jésus, mais la population ne l’a pas compris. Car sinon, ils n’auraient pas crié, quelques jours plus tard, crucifie-le. Et enfin, je parlerai de la spiritualité critique et engagée que cette événement peut susciter.

1. Jésus : une autre forme d’autorité

L'image de Jésus entrant à Jérusalem sur un ânon tranche avec les attentes de l'époque. La population attendait un roi libérateur, un chef militaire capable de délivrer Israël de l'oppression romaine. Or, Jésus préfère venir sur un ânon : la monture de l'humilité et non celle du pouvoir. Par ce choix il critique les systèmes politiques et religieux dominants de son temps.

Jésus ne cherche pas la domination, mais une autre forme d'autorité. Il annonce un royaume qui n'est pas de ce monde, un renversement des valeurs dominantes. Ainsi, les Rameaux ne sont pas seulement une célébration joyeuse, mais aussi une remise en question des logiques de puissance qui traversent toutes les sociétés humaines.

Les rois et les généraux romains utilisent des chevaux pour manifester leur suprématie. L’ânon lui, évoque une royauté d’un autre ordre, fondée sur le service et l’humilité. Jésus se place ainsi dans la lignée des prophètes qui dénoncent les abus des puissants et rappellent que la véritable autorité vient de Dieu et non des institutions humaines. Ce geste fait écho à la prophétie de Zacharie (9.9) : Réjouis-toi, fille de Sion ! Voici, ton roi vient à toi ; il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse.

A l’époque, Jérusalem était sous domination romaine, et toute entrée triomphale pouvait être interprétée comme un acte de rébellion. En adoptant une posture humble, Jésus subvertit les attentes révolutionnaires et propose une autre vision du pouvoir : celui qui se manifeste par le service et l’amour, et non par la conquête et la force militaire. Cette opposition entre le pouvoir terrestre et la royauté divine constitue un des messages fondamentaux des Rameaux.

Il y a des gens qui pensent comme nous et il y a des gens qui ne pensent pas comme nous

Et dans notre monde, le pouvoir est souvent associé à la force et à la domination, les figures d’autorité sont valorisées pour leur charisme et leur influence. Or Jésus propose une autre voie. Il invite ses disciples à privilégier l’humilité sur l’ambition, à œuvrer pour un monde fondé sur la justice et non sur l’oppression. La fête des Rameaux devient alors un rappel que le message du Christ est un appel à la résistance face aux systèmes injustes.

2. Jésus : le mal compris

Les foules acclament Jésus en criant leur joie et en déposant des rameaux sur son passage. Cependant, quelques jours plus tard, une autre foule demandera sa crucifixion. Ce retournement met en lumière une réalité universelle : nous cherchons des leaders conformes à nos désirs. C’est en effet difficile d’accepter un message qui dépasse nos présupposés.

La foi en fait est vraiment complexe. L’enthousiasme religieux peut être superficiel et fugace. Il doit s'accompagner d'une compréhension profonde du message de Jésus. La foi ne peut pas se limiter à une adhésion émotionnelle, elle implique une remise en question constante.

Le contraste entre l’accueil triomphal et la condamnation rapide de Jésus illustre également une dynamique humaine fondamentale : c’est difficile d’accepter un message qui ne correspond pas à nos attentes. Beaucoup voyaient en Jésus un libérateur politique. Il devait renverser le pouvoir romain. Or, son message porte sur un autre type de libération, intérieure et spirituelle : pas de violence, pas de prise de pouvoir terrestre. La foule n’a pas compris, la désillusion est au rendez-vous et la trahison en découle.

Dans cette perspective, la fête des Rameaux devient un appel à une foi plus mature, capable d’aller au-delà des attentes immédiates et de s’ouvrir à une compréhension plus profonde du Christ. Elle nous invite à interroger nos propres attentes vis-à-vis de la foi : cherchons-nous un Dieu qui valide nos désirs ou sommes-nous prêts à accueillir un message qui nous transforme, même s’il nous dérange ?

C’est une question fondamentale à notre époque et pas seulement dans le domaine spirituel. Avec les réseaux sociaux, nous relayons, en général les messages qui nous plaisent. C’est ainsi que chacun et chacune tourne en rond en quelque sorte, uniquement intéressé par ce qui nous convient. Nous sommes tous concernés. Lorsque je vois un message d’une personne que je connais, je suis le premier à me dire : ah oui, c’est ça son truc de complotiste ou ah oui, ça c’est son truc de woke. Et je passe à la suite sans lire.

Avoir conscience que nous aimons nous enfermer dans notre façon de penser, c’est un prélude. Ce n’est pas encore accueillir un message qui nous dérange, mais c’est se rendre compte que nous ne sommes pas seuls au monde. Il y a des gens qui pensent comme nous et il y a des gens qui ne pensent pas comme nous. Et malgré cela, nous sommes toutes et tous filles et fils adoptif de Dieu.

Par ailleurs, cette entrée triomphale suivie rapidement par la crucifixion rappelle le dangers d’une foi influencée par les foules et les fluctuations des opinions publiques. Le basculement rapide de l’enthousiasme à la condamnation montre combien l’adhésion populaire peut être volatile et conditionnée par des attentes mal comprises. Cela résonne avec notre époque, où les figures publiques sont souvent portées aux nues avant d’être rejetées aussi rapidement. Le message du Christ nous invite à dépasser cette logique et à cultiver une foi qui repose sur une conviction profonde plutôt que sur un enthousiasme passager.

Ainsi, la fête des Rameaux le rappelle : suivre Jésus implique un engagement, cela dépasse l’euphorie d’un instant. Elle nous pousse à un approfondissement spirituel, à une remise en question de nos attentes et à une fidélité qui va au-delà des circonstances immédiates.

3. Jésus : engagement et critique

La fête des Rameaux n’est pas un rituel annuel. Il s'agit d'un appel à questionner notre propre posture face aux pouvoirs politiques, économiques et religieux. Sommes-nous prêts à suivre un Christ qui dénonce l'oppression et préfère la justice à la popularité ?


suivre Jésus implique un engagement, cela dépasse l’euphorie d’un instant

Les Rameaux nous invitent à une foi engagée, une foi qui ne se contente pas de suivre la majorité, mais qui ose questionner et résister. Jésus nous montre une autre manière de concevoir l'autorité et la justice. En tant que chrétiens, nous sommes appelés à porter des rameaux comme des signes d'espérance et de transformation sociale.

Cette célébration nous interpelle aussi sur notre engagement quotidien. Comment mettons-nous en pratique cette foi critique ? Sommes-nous acteurs du changement ou simples spectateurs ? La fête des Rameaux nous invite à être des témoins actifs de la justice et de la paix, à porter la voix des opprimés et à défendre les valeurs du Royaume de Dieu, même lorsque cela implique d’aller à contre-courant des attentes de notre époque.

La fête des Rameaux, ce n’est pas le prélude de Pâques. Elle pousse à une réflexion sur la nature même de notre engagement spirituel. Elle met en évidence le contraste entre l’enthousiasme des foules et leur désaveu rapide, soulignant ainsi la fragilité d’une foi fondée sur l’émotion plutôt que sur la conviction profonde. Cet épisode nous pousse à nous interroger sur la manière dont nous recevons le message du Christ : sommes-nous prêts à l’accueillir dans sa radicalité ?

Mais encore

Cette fête des rameaux est un appel à l’action. Ce n’est pas une simple remémoration d’un événement historique. En entrant dans Jérusalem de manière si humble, Jésus propose une alternative au pouvoir terrestre. Mais il invite aussi ses disciples à incarner cette alternative dans leur vie quotidienne. Les Rameaux rappellent que suivre le Christ implique un engagement critique envers les structures d’injustice et un choix conscient de privilégier l’humilité et le service plutôt que la domination et la reconnaissance publique.

Ainsi, les Rameaux sont un appel pour aujourd'hui : un appel à reconnaître la radicalité du message du Christ et à l'inscrire dans notre monde, en cultivant une foi critique et engagée au service de la justice et de la paix. Ce jour nous rappelle que le christianisme n'est pas une foi de conformisme, mais une foi qui interroge, bouscule et transforme ceux qui l’adoptent véritablement.

Jésus paiera de sa vie son refus d’entrer dans les schémas de pensées de son temps. Son succès en fait l’a tué. En allant jusqu’au bout de son message centré sur la paix, et la bienveillance envers autrui, en refusant les codes du pouvoir de son temps, Jésus s’est créé une immense popularité. Mais, il connaissait la fragilité de son succès qui en plus était devenu visible, trop visible aux yeux de ses ennemis. Il aurait pu rester chez lui, tranquille à Nazareth, il a préféré donner sa vie pour nous offrir une spiritualité riche, originale et passionnante.